Le travail du silence

Du si…lance !

Me voilà face à lui, alors que l’encre défile sur la feuille.

Aquarelle de mots, rassemblement de lettres jusqu'au silence. Espace parlant entre les mots, espace autour d’un vers, d’une virgule, d’un point. La pause réticente qui en dit sans le dire, qui contient tout ce que l’on ne sait dire de cette façon aussi concrète, qui ne contient pas. Dire ou écrire.

Sens cristallisés, images reproduites formant des rayures, des codes, des idées rangées, séparées, inondant l’espace. Tout comme le son, le silence dit, il nous parle. Et ce qu’il nous dit nous gêne. Il soupire, il renifle, il baille, il vibre, il nous fait chaud puis froid, il nous endort. Puis, les voix du mental prennent le dessus, "À nous l’espace !". L’intellect qui pense tout savoir, tout questionner, tout expliquer. Ah, ça suffit.

Inspire… expire… détend… posture… fourmis… battements… voisins… inspire… expire… détend… chuchotements…

Le silence s’installe enfin, malgré la vie autour de nous, visible, invisible, la vie en nous, et nous ici, maintenant, puis nous dans le tout, le tout en nous… Taire les désirs, interroger les désirs. Mais d’où viennent-ils ? De ma pensée ? Taire la pensée. Où est mon guide ? Quel est mon destin ?

Trans-muet. Trans-mute. Muter en traversant le chemin. Tant de métaphores parlantes, et d’autres plus silencieuses. Mais quel est le sens, le réel ?

A quoi bon tant d’efforts, cette quête d’appartenance, de loyauté, de reconnaissance ? 

Je veux sentir les vagues de lumière, un brin de conscience, le cœur rebondir, la liberté m’envahir, faire partie du tout, partager la joie, entourée d’amour. 

A quoi bon courir, à quoi bon souffrir, à quoi bon le dire, à quoi…?

Inspire… expire… détend… posture… fourmis… frissons... chaleur… lenteur… bonheur… vague de lumière… brin de conscience… trans-muet… trans-muter… le silence.